Ma vie en région : Laurence McEvoy

Êtes-vous nés pour un petit pain ? Cette maxime qui a longtemps édulcoré les aspirations de nos ancêtres a malheureusement frayé son chemin dans l'esprit de plusieurs d’entre nous. Ce n’est pas pour mal faire. Nous avons souvent eu de très bons parents. Ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes et ont multiplié les heures à l’ouvrage, mais peinaient à boucler la ceinture. Ils sont allés jusqu’à se priver, en gardant une priorité en tête : que leurs enfants ne manquent de rien.

Néanmoins, on ne dupe pas si facilement sa progéniture. Elle doit avoir une foi inébranlable en elle-même pour s’approprier le mot liberté.

L’histoire qui suit en est une de croyance, de magie et de spiritualité. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si nous rencontrons notre prochaine ambassadrice, Laurence McEvoy dans le village où le bon vieux Père-Noël passe ses étés, à Val-David, au cœur des Laurentides.

Nous n’avons pas le temps de patienter sur la terrasse du café « C’est la vie » avant de voir apparaître une femme aux cheveux d’or et aux yeux d’argent. Mais Laurence n’a pas l’attitude de ces dames hautaines à qui l’on a donné la beauté en cadeau. Son style est décontracté, son regard est calme, son sourire est contagieux.

Dès le début de l’entrevue, elle joue cartes sur table avec nous : « Je suis une fille qui vient d’une petite ville. J’étais perdue, comme bien des jeunes. J’ai dû me démerder pour me sortir de mes patterns et de ma petite vie misérable. Mais c’est dur s'échapper de cette mentalité-là. »

Pour mieux comprendre le chemin parcouru par Laurence jusqu’aux Laurentides, remontons les aiguilles du temps.

La cadette d’une famille de six enfants a vu le jour au début des années 1990, au mois de mars, lors de la Journée internationale des droits des femmes; présage d’une vie à lutter pour l’avancement social et pour un coin de pays plus harmonieux.

Laurence était à peine majeure que le bar western de son quartier d’origine lui offrait un emploi. Entre deux shooters, la barmaid s’affairait à servir ses cowboys le plus efficacement possible. Avec son sourire étincelant qui cachait habilement son vague à l’âme, elle faisait tomber des pourboires sonnants. La jeune recrue du bar savait comment s’y prendre. Puis, quand son chiffre finissait, elle partait avec ses amies pour des virées mémorables dans les endroits branchés de la ville.  

Un soir comme les autres, alors que Laurence s’affairait à rafraîchir ses habitués, une mystérieuse dame surgit auprès d’elle. L’inconnue lança une phrase pesante à la candide serveuse : « Je vais toujours m’en rappeler, relate Laurence. Elle m’a transpercé du regard et m’a demandé sèchement si c’était vraiment ça que je voulais faire de ma vie. »

Sans le savoir, elle venait de rencontrer sa mentore, Michelle L. Gerrior, une guide de paix autochtone.

Exactement au moment où Laurence nous confie ce souvenir crucial, un papillon monarque se pose devant elle sur la table. La jeune ambassadrice paraît émue, elle prend une pause, puis elle nous explique que Michelle est gardienne d’un savoir spirituel ancestral, issue d’un clan familial de descendance Micmac et Algonquine (le Papillon Monarque). Elle transmet d’authentiques valeurs traditionnelles. Par miracle, les savoirs autochtones de ses ancêtres ont traversé les générations pour se rendre jusqu’à elle.

Vous vous posez peut-être la question à propos du papillon monarque, à ce moment de l’entrevue. Était-ce une coïncidence, ou un signe ? Parfois, pour que la magie fonctionne, il suffit d’y croire et de bousculer le destin.

C’est précisément ce que Laurence et que plusieurs jeunes réalisent quand ils plient bagage pour atterrir dans une région du Québec qui correspond à leurs aspirations.

L’histoire de Laurence est faste, nous allons donc vous présenter le prochain chapitre en version accélérée.

Après la rencontre avec la mystérieuse guide spirituelle autochtone, devenue sa mentore, les deux femmes nouèrent une véritable amitié. Au fil des années, Michelle lui transmit une grande partie de son savoir préservé intégralement.

« Elle n’a pas pu avoir d’enfant. Mais elle a décidé de partager ce riche héritage avec un petit nombre de gens, dont moi », précise Laurence.

Évidemment, peu de temps après la rencontre marquante entre les deux femmes, Laurence a délaissé son emploi au bar.

Puis, les chamboulements se sont succédé.

Laurence est devenue agente de bord.

Pendant près de cinq ans, elle a voyagé partout dans le monde, sans domicile fixe.

Ce mode de vie nomade s’est terminé abruptement. Elle a survécu à un violent accident de travail, alors qu’elle prenait place à bord d’un avion. L’engin traversait une forte zone de turbulence, mais Laurence n’a pas eu le temps de se mettre à l’abris.

Une pause s’imposait. Un nouveau style de vie allait s’offrir à elle.

« J’étais en train de guérir de mon accident. J’étais complètement sonnée. Puis, on m'a présenté à une femme qui avait un jardin en permaculture à Lantier. »

Lantier est un village bucolique des Laurentides, n’excédant pas 1000 habitants.

Comme dans une histoire des Pays d’en haut, elle était hébergée et nourrie en échange de son labeur dans le jardin.

“J’y ai appris l’autosuffisance ainsi que le savoir-être au rythme de la nature et je suis tombée en amour avec la région.”

Suivant le sentier de sa reconstruction personnelle, Laurence a localisé un atelier de danse extatique à Val-David, situé à 20 kilomètres de Lantier.

« J’ai découvert toute une communauté. On danse pendant trois heures, on fait des mouvements libres. On vit une espèce de transe. Ça représente bien la pensée alternative de Val-David. Je me suis dit Oh my God, je veux vraiment m'établir ici ! »

Mais, Laurence s’empresse toutefois de nous partager qu’il y a une belle diversité dans son patelin d’adoption, oscillant dans tous les horizons. En quelque sorte, les philosophies se côtoient, mais ne s’affrontent pas.

“Il y a plusieurs types de pensées, à gauche comme à droite, mais c’est ça qui est intéressant. Peu importe où l’on se situe, ici les gens ont un sentiment d’appartenance à la communauté. Ça se voit tout de suite. Il suffit de passer quelques jours ici pour le réaliser. ”

À titre d’exemple, Laurence nous révèle l’existence d’une école alternative pour les plus jeunes, d’un milieu artistique effervescent et d’une foisonnante culture entrepreneuriale.

« J’ai eu l’appel. J’ai su que je devais m’y installer. J’ai choisi Val-David pour le rythme de vie. Tout est un peu plus lent. Les gens qui m’entourent ne sont pas à la course tout le temps. On finit le travail et l'on va faire du vélo dans des décors enchanteurs. Le midi, on prend une pause, on se baigne dans le lac et on est ressourcé pour l’après-midi. Si c’est l’hiver, j’attrape mes skis de fond et je m’aventure sur le P’tit Train du Nord », poursuit-elle en parlant du sentier magistral reliant Saint-Jérôme à Mont-Laurier.

En résumé, si vous me permettez cette métaphore, la chenille est devenue papillon. Elle a trouvé un sens à sa vie en forgeant son entreprise au creuset de Val-David. 

« J’ai suivi un cours en entrepreneuriat artistique et j’ai fondé une compagnie de production qui est un héritage pour les futures générations, par rapport aux savoirs que m’avaient transmis ma mentore. »

Entre autres, Laurence commence à être reconnue comme une voix émergente dans le monde des baladodiffusions pour la réalisation de Voies parallèles. Il s’agit d’un balado qui permet d’ouvrir un pont et une communication enrichissante entre les allochtones et les autochtones.

Comme quoi, quand on trouve un milieu de vie sain qui correspond à notre identité, il est possible de s'épanouir personnellement et professionnellement.

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