Ma vie en région : Joanie Riendeau

Tous les chemins ne mènent pas à Dolbeau, on choisit Dolbeau-Mistassini.

Ce n’est pas une escale dans l'itinéraire conduisant au Saguenay ou au Lac-Saint-Jean, ni l’endroit le plus prisé par les touristes, même si on en croise de plus en plus.

Pourtant, on y est bien accueilli et plusieurs familles y érigent leur foyer.

C’est le cas de Joanie Riendeau qui s’est posée dans cette ville située au nord du Lac-Saint-Jean. Joanie est une ambassadrice tout indiquée pour notre projet d’entrevues sur les routes du Québec.

Pour cause, elle a reçu les services de Place aux jeunes, avant de devenir elle-même agente dans le réseau. 

Elle est donc aux premières loges pour assister à l’effervescence de sa région.

D’entrée de jeu, Joanie nous offre l'hospitalité avec des poules en chocolat des Pères trappistes, une spécialité gourmande du coin.

Plongeons sans trêve dans l’histoire de Joanie, d’un Viking et d’un chien à trois pattes.

À peine attablés, les discussions partent dans tous les sens.

« J’ai toujours aimé chanter, je suis une picolo-soprano. Vous entendez ma voix aiguë ? Imaginez quand je chante », lance Joanie.

« Bien moi je le constate quand tu me cries après », rétorque son amoureux du tac au tac sur un ton humoristique.

On comprend rapidement la dynamique du couple qui aime bien s’agacer gentiment. Les dialogues sont animés. La convivialité des chaumières au pays des bleuets n’est pas un mythe.

Comment devient-on agent pour Place aux jeunes ? Il n’y a pas de cours à l’école en la matière. Pourtant, accueillir des gens tous azimuts sur son territoire et les aider à s’intégrer dans la communauté demande des atouts hors du commun.

L’expérience variée de Joanie et sa curiosité pour plusieurs domaines représentent bien l’éventail typique que possède les agents. Elle a d’abord obtenu un diplôme d’études collégiales en exploration théâtrale à Saint-Hyacinthe, puis un baccalauréat en animation et recherche culturelle à l’Université du Québec à Montréal. Après ses études, elle est revenue dans son terreau natal à La Tuque à titre de stagiaire en animation et recherche culturelle. Elle a ensuite déniché un emploi professionnel comme coordonnatrice aux activités à Témiscouata-sur-le-Lac pour le festival Les Cartonfolies. Après quoi, elle a été nommée adjointe à la direction pour le Kaméléart de Matane. S’en suivit un bref passage à St-Stanislas et la voilà bien installée à Dolbeau-Mistassini où elle œuvre désormais comme agente Place aux jeunes.

« Je me suis promenée dans plusieurs régions du Québec et j’ai occupé plein d’emplois différents. Je suis donc bien placée pour comprendre la réalité d’une personne qui veut s’enraciner ici à Dolbeau », illustre-t-elle.

Les séjours exploratoires, un des services signature offert par le réseau de Place aux jeunes, contribuent grandement à l’impact que les agents peuvent avoir auprès de leur clientèle.

Plusieurs personnes à la conquête d’un nouveau territoire, d’un emploi et peut-être même de l’amour participent aux séjours de Place aux jeunes chaque année.

Bien au fait de ce type d’activité, Joanie s’était inscrite à un séjour peu de temps après son déménagement. Un séjour qui aurait lieu au milieu du mois de novembre.

« J’aime les gens. Je ne suis pas du genre à rester chez nous en attendant que le séjour arrive », relate-t-elle. Elle a donc décidé de prendre les choses en mains.

C’était soir d’Halloween à Dolbeau. Petits monstres et sorcières en quête de sucreries arpentaient les rues, tandis que Joanie trépignait d’impatience.

« Il fallait que je sorte. J’avais le pressentiment qu’il allait se passer quelque chose. Ç’a commencé tranquillement. J’ai rencontré un gars du coin au McDo. Parle, parle, jase, jase, on a décidé d’aller prendre une bière à la microbrasserie le Coureur des Bois (un endroit incontournable de Dolbeau-Mistassini). La conversation s’étirait avec mon prétendant, je réalisais qu’il n’y avait pas tant d’atomes crochus entre nous. Mon instinct était erroné visiblement. La soirée semblait mourir dans l’œuf.  Presque personne n’était déguisé. Soudainement, un beau grand mâle vêtu d’un costume d’époque viking, étoffé de cuir et de métal a fait irruption dans le bar. Ça m’a tout de suite attirée. Je l’ai invité à s’asseoir. Avec lui, ç’a cliqué. Finalement, je suis allée dormir chez le beau guerrier et je ne suis jamais retournée à mon appartement. »

C’est ainsi qu’Olivier Lavoie : amateur de chasse et de pêche, ardent travailleur de ses mains, bûcheron à ses heures, gars de bois comme il ne s’en fait plus, est entré dans la vie de Joanie pour ne plus en sortir.

Par le fait même, une autre créature s’est liée d’affection à Joanie. Un magnifique husky semblable aux loups blancs des Stark dans le Trône de fer, dénommé Floki, partageait la chaumière du Viking.

Le pauvre chien se remettait d’un terrible accident survenu quelques semaines plus tôt. L’un des pires cauchemars que peut vivre un ami des animaux s’est produit. Floki est apparu dans l’angle mort d’Olivier.

« Ça s’est passé vite, je ne pourrais même pas te dire comment c’est arrivé. Il courrait à pleine vitesse, j’ai essayé de l’éviter, mais j’ai roulé sur lui », regrette son maître.

Olivier s’est précipité hors du véhicule, alarmé, osant à peine regarder les dégâts. Il poussa un soupir de soulagement, le meilleur ami de l’homme était blessé à la patte, mais il était en vie et se portait somme toute bien.

Le couple a tout fait pour sauver la patte du chien. Floki a même eu droit à plusieurs séances de physiothérapie, mais en fin de compte, l’amputation s’est avérée inévitable.

L’épreuve qui frappait la nouvelle petite famille en formation l’a toutefois rendue plus forte selon Joanie : « Ça l’a soudé notre couple. »

Comme s’il avait suivi toute notre discussion, Floki se lève à ce moment de l’entrevue et vient se coller sur Olivier. Il bouge avec tellement d’agilité que son handicap est presque imperceptible. Cerise sur le gâteau, le Viking regarde son chien droit dans les yeux et lui demande de donner la patte. Le fidèle comparse obtempère sur le coup. Ça tient presque de la magie. Nous en sommes estomaqués.

Deux semaines après leur rencontre, Joanie participait au séjour de groupe.

« Près de la moitié des gens étaient déjà sur le territoire. Ils m’ont fait découvrir la région sous différents points de vue.  Se faire de nouveaux amis dans une nouvelle région, c’est un défi. Avec Place aux jeunes, j’ai tout de suite eu un réseau. »

Après trois ans à butiner d’un contrat à l’autre, Joanie a reçu une offre qu’elle ne pouvait pas refuser.

« J’ai obtenu le poste d’agente pour Place aux jeunes dans la MRC Domaine du Roy, notre MRC voisine. À l’âge de 30 ans, c’était la première fois que j’accédais à un poste permanent, dans un emploi rêvé en plus. Et depuis le 18 janvier (2021), je suis l’agente de Dolbeau-Mistassini », annonce-t-elle, avec un immense sourire gravé au visage.

Très animée depuis le début de notre rencontre, la conversation s’interrompt.

Joanie plonge dans ses pensées avant d’émerger avec sa citation favorite d’Antoine de St-Exupéry : « Lorsque tu veux construire un bateau, n’assemble pas les pièces. Donne le goût de la mer. » C’est ainsi qu’elle décrit son emploi à Place aux jeunes.  

Afin d’illustrer l’application concrète de ce bel adage, elle nous relate ensuite l’histoire d’une jeune famille désirant migrer à Dolbeau.

« Deux parents d’une jeune fille de six ans envisageaient la possibilité de revenir vivre ici. Ils voulaient se rapprocher de la famille, ils savaient qu’ils avaient des options professionnelles à Dolbeau. Mais ils s’inquiétaient pour l’intégration de leur enfant. Elle avait déjà beaucoup d’amis à Québec et l’idée de s’éloigner d’eux l’apeurait. »

L’étincelle s’allume dans les yeux de Joanie. La passion pour son travail est palpable.

« Comme agent il faut donner le goût du territoire. J’ai parlé à la petite, puis nous avons amorcé l’organisation d’un séjour familial. Nous irons visiter la Maison de la famille. La petite va rencontrer d’autres enfants et c’est comme ça que le goût du territoire va faire son chemin », conclut l’agente qui ne construit pas de bateau, mais qui donne le goût de la mer.

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