Ma vie en région : Gabriela Viscarra et Sébastien Desrosiers

La journée est maussade. De lourds nuages menaçants envahissent le ciel. Le soleil s’est réfugié à l’intérieur du café l’Innocent ce matin.

La femme du Sud tient son bébé de quatre mois contre sa poitrine, la fille sourit autant que la mère. Ainsi, commence notre rencontre avec Gabriela Viscarra.

Gabriela est native de Quito, la capitale de l’Équateur. Elle a vécu la majorité de sa vie là; une ville nichée au cœur de la cordillère des Andes, bâtie sur les fondations d’une cité incas, bercée par un confortable climat océanique.

Qu’est-ce qui pousse une fille issue d’un paradis exotique à venir s’établir des milliers de kilomètres au nord, dans une petite localité cachée dans le bas du fleuve, deux heures au-delà de Québec ?

“Je pensais que je m’en allais vivre au pôle Nord , avoue-t-elle timidement avec son accent lumineux. ”

L’histoire d’amour entre Gabriela et la Belle Province s’est dessinée sournoisement à l’été de 2016, à cause d’un garçon.

C’est un jeune réalisateur Montréalais qui a dérobé le cœur de l’Équatorienne.

Sébastien Desrosiers terminait un voyage humanitaire qui consistait à apprendre les rudiments du cinéma à des jeunes issus d’un quartier défavorisé de Quito. Il ne restait que quelques jours à son expédition quand il flancha sous les charmes de Gabriela.

Mais cet amour semblait figé dans une carte postale. Une aventure de vacances qui nous réchauffe le cœur les jours de nostalgie, sans plus.

C’était mal connaître Gabriela. Elle fit des démarches pour aller étudier à Montréal, et qui sait, peut-être en connaître un peu plus à propos de ce réalisateur québécois ?

L’amourette de voyage se transforma en quelque chose de plus grand; une équipe solide était en train de se former. 

Pendant les études de Gabriela, les amoureux avaient multiplié les excursions. Deux ans avaient passé depuis le début de leur idylle. Gabriela et Sébastien entrevoyaient la possibilité de s’éloigner de la grande ville dans l’optique de fonder une famille.

Le couple nomade s’était enfargé le cœur à plus d’une reprise dans le Bas-du-Fleuve. La vue sur l’horizon, la convivialité des gens et surtout, surtout, ce fleuve géant les appelaient de plus en plus fort.

“J’ai vu une annonce de Place aux jeunes dans le métro, nous explique la jeune maman, tout en berçant son bébé qui continue de nous offrir un magnifique sourire dépourvu de dent. ”

Les séjours exploratoires : c’est la marque de commerce de Place aux jeunes depuis plusieurs années.

Comme le destin s’en mêle brillamment parfois, un séjour de groupe s’organisait justement lors de l’automne 2018 avec Mélanie, l’agente chevronnée qui dessert Rivière-du-Loup.

« C’était vraiment chouette avec Mélanie parce que c’est une bonne ambassadrice de sa région. Elle connaît bien sa ville. Elle nous a fait découvrir des trésors cachés. Ça nous a aidés à rapidement faire notre place ici », se remémore Gabriela.

La conversation avec notre interlocutrice est soudainement interrompue, puisque son compagnon fait irruption à la table.

Charlotte, la serveuse du café, semble bien connaître le couple, puisqu’elle les salue avec convivialité avant de quérir nos commandes.

Sébastien rattrape la conversation et admet que le séjour exploratoire a été l’étincelle qui manquait pour mettre le feu à la grange.

Tout s’est enchaîné très rapidement, à l’aide du séjour.

C’est à cette occasion que Gabriela a été convoquée pour un entretien d’embauche. Une entreprise en logistique du transport, le domaine dans lequel elle venait de terminer ses études, l’a tout de suite remarquée.

Peu de temps après, Sébastien, qui œuvrait comme chargé de cours pour enseigner son art à l’Université du Québec à Montréal, s’est vu offrir une opportunité en or au cégep. Il a obtenu un emploi de professeur à l’École des métiers du cinéma et de la vidéo.

En marge de sa carrière professorale, il chapeaute plusieurs projets cinématographiques.

On a fait une web-série à la Baie-James pour attirer de futurs enseignants là-bas. On a pris des finissants et on est partis avec eux dans un road trip. On a fait des films pour attirer des étudiants européens ici au cégep, dans l’école de cinéma. J’ai fait un projet un peu fou de capsules vidéo pour un organisme de Charlevoix qui travaille au transport collectif, à la sécurité alimentaire et à l’accompagnement dans les milieux scolaires, énumère-t-il. 

“Bref, le travail ne manque pas. ”

Un concept me vient instinctivement en tête quand je pense à Gabriela, Sébastien et Rivière-du-Loup : ils incarnent la liberté.

Cette même liberté que retrouvaient les ancêtres quand ils se réunissaient dès le 17e siècle à la pointe de la rivière du Loup pour y faire commerce.

Cette terre sacrée, parcourue par les Micmacs et les Malécites depuis des temps immémoriaux, a charmé les humains fugaces, au fil des générations, devant un décor qui lui est immuable.

C’est peut-être cette conscience de leur caractère éphémère qui pousse cette famille multicolore à mordre dans la vie avec autant d’aplomb. 

Si Gabriela éprouve beaucoup de reconnaissance pour l’entreprise de logistique qui lui a donné sa chance, elle a rapidement constaté qu’elle n’avait pas l’ADN de l’emploi.

Celle qui a vu le jour dans une famille de producteurs de cacao ne pouvait pas supporter de travailler en face d’un écran 35 heures par semaine.

De fil en aiguille, Gabriela a fait sa place dans la communauté. 

Elle a travaillé pour une boulangerie appartenant à un sympathique Dominicain. Ensuite, ce dernier l’a aidée à démarrer une entreprise de brownies et de palettas (popsicles faits à partir de fruits naturels). Épaulée par Sébastien, Gabriela a érigé son kiosque au marché public, ce qui a procuré beaucoup de plaisirs gourmands aux petits et grands Louperivois, le temps d’un été. 

Puis, une offre d’emploi a capté l’attention de Gabriela dans l’Info Dimanche : agente de sensibilisation à l’immigration Les Basques-Témiscouata.

« À ce moment-là, j’étais déjà enceinte », relate-t-elle. Mais, comme toujours, elle a foncé et la Providence lui a souri. « Il y a plusieurs immigrants ici, mais on ne les voit pas beaucoup. J’aimerais leur donner confiance et qu’on partage nos cultures ensemble », exprime Gabriela. À titre d’exemple, elle a notamment organisé une soirée africaine avec des percussions, des djembés, de la danse et des légendes.

Dans son nouveau rôle, elle collabore avec l’équipe de Place aux jeunes afin d’aider les nouveaux arrivants à faire leur niche dans sa communauté d’adoption située un peu plus près du pôle Nord que de l’Équateur.

La famille est ancrée depuis peu à Rivière-du-Loup, mais parions que c’est un très long métrage qui s’amorce pour notre néo-Québécoise et son réalisateur. 

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