Ma vie en région : Caroline Paradis et Olivier Mainville

Nous voilà immergés dans une végétation de plus en plus verte, garnie et abondante. Les arbres qui longent la route à l’ouest de la province croissent à chaque kilomètre.

Impressionnés par ce crescendo verdoyant, nous avons peine à imaginer l’étendue et la biodiversité des 13 948 kilomètres carrés, des 17 municipalités et des deux communautés algonquines qu’englobe la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau.

On le devine aisément, depuis le milieu du 19e siècle, l’industrie forestière et l’agriculture sont les deux fers de lance de la région.

C’est donc tout naturellement que nous posons nos valises sur le chemin dédié à Simone Erickson. Si vous n’êtes pas du coin, il est très probable que ce nom ne vous évoque rien. Avec son époux, Robert Grondin, Simone a élevé une famille de six enfants en plus de tenir une ferme bovine et laitière. Elle a gardé pignon sur rue pendant plus d’un demi-siècle, jusqu’à son décès en 2003. Si elle peut sembler humble, cette famille représente bien le cœur et l’âme des habitants de la vallée; des gens travaillants qui cherchent la quiétude au creuset de la nature et de l’humain.

Perpétuant la tradition, c’est un clan noué et amoureux de la vie de bois qui nous ouvre les portes de leur habitation pittoresque, aux abords du fameux chemin. À peine le perron franchi, un arôme de pin nous cueille par les narines. Le décor apaisant débouche sur un berceau, reléguant l’alcôve d’amour au second rang.

Les jeunes parents, Caroline Paradis et Olivier Mainville nous accueillent avec la bienveillance typique des gens vivants en région, tandis que le fruit de leur amour, William, nous observe avec ses grands yeux tout neufs et inquisiteurs.

Respectivement originaires de la Montérégie et de Québec, Caroline et Olivier n’auraient jamais pu prédire qu’ils érigeraient une famille sur le chemin Simone.

Toutefois, c’est une logique élémentaire pour deux ingénieurs forestiers de voir en ce lopin de terre d’Aumond, un jardin d’Éden bien à eux.  

“Comme c’est généralement le cas, c’est d’abord le travail qui les a guidés dans la Vallée-de-la-Gatineau. ”

Après ses études, Caroline s’est déniché un emploi à Mont-Laurier. Olivier, pour sa part, était toujours sur les bancs d’école à l’Université Laval, située dans la ville de Québec.

Chaque semaine, Olivier avalait donc des centaines de kilomètres.

« Je partais à 2 heures du matin le mardi pour arriver à temps à mon cours et le mercredi je redécollais vers 15h30 pour aller travailler à Maniwaki le lendemain matin, se souvient-il. Je buvais beaucoup de Mountain Dew », renchérit-il avec la même assurance d’un grand sage qui viendrait de nous livrer le secret de la Caramilk. 

(NDLR N’essayez pas ça à la maison.)

Ce rythme effréné, Caroline et Olivier n’ont pas eu le choix de le maintenir. Les aléas de la vie ont testé le couple à maintes reprises. Mais, à chaque péripétie, les amoureux ont redoublé d’ardeur pour venir à bout des difficultés.

Une fois le baccalauréat d’Olivier en poche, le couple pouvait enfin accéder à la propriété.

« Aumond est entre deux marchés d’emploi intéressant pour les travailleurs forestiers. Il y a Maniwaki d’un côté et Mont-Laurier de l’autre. J’ai eu un coup de cœur pour cette maison sur le chemin Simone », nous confie Caroline.

« Pourtant, je ne voulais même pas la visiter, rétorque Olivier. Il n’y avait pas de recouvrement. »

Il aura fallu un été de travail acharné à faire le recouvrement et ils entraient dans la maison de leur rêve en 2017 !

Une terre de 34 hectares, des arbres fruitiers et un jardin; aux yeux du couple c’était le kit de départ pour un terrain de jeu idéal.

Puis, une connaissance se débarrassait de ses lapins, alors, Caroline et Olivier se sont lancés dans l’élevage de lapins.

Et vous savez ce qu’on dit ? Après les lapins, pourquoi pas les poules ?

Donc, en 2020, sur l’air de la ferme à Mathurin, il y avait trois poules pondeuses, quatre poules à grain, plusieurs lapins, deux chats, un chien, un jardin de 13 mètres par 16 mètres, 104 hectares de terre, une érablière et une pandémie mondiale !

C’était sans doute le moment le plus inopportun pour que la maladie s’invite dans la famille.

Le diagnostic est tombé avec tout l’appesantissement qui vient avec le mot cancer. La mère de Caroline, Johanne Houle, en était affligée. Les spécialistes estimaient qu’elle avait 5% de chance de pouvoir accéder à l’opération qui lui permettrait de gagner ce combat fatidique.

Plus les jours passaient et plus Caroline empruntait le rôle d’aidante naturelle. Entre les séjours chez sa maman et les heures à exercer un métier exigeant, le miracle de la vie se fraya un chemin en elle.

Bordé par la chaleureuse brise qui régnait à la fin de l’été 2022, William vit le jour un 6 septembre. Mais, il reçut deux cadeaux de bienvenue dont il aurait bien pu se passer.

Le pauvre bambin venait de célébrer ses deux semaines quand la Covid s’invita dans sa vie, avec tout ce que cela implique. Puis, les médecins constatèrent que le bébé souffrait d’une malformation bien connue : le pied bot, qui affecte 1 à 2 bébés sur 1000.

Après avoir vaincu la Covid, William et ses parents durent donc effectuer des allers-retours hebdomadaires au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine pendant 16 semaines.

Grâce aux bons soins des spécialistes, William gardera très peu ou pas de séquelles de ses mésaventures.

Parallèlement à cette naissance, comme un pied de nez à la faucheuse, la mère de Caroline reprit tranquillement du mieux. Son état de santé s’améliora, si bien que l’opération salvatrice dont elle avait tant besoin se profilait désormais à l’horizon.

(NDLR Au moment d’écrire ces lignes, nous apprenions que la mère de Caroline était officiellement en rémission.)

Des ambassadeurs à l’image de la région

L’histoire de Caroline et d’Olivier ressemble à celle de milliers de jeunes professionnels qui doivent ou veulent se délocaliser pour entamer une carrière dans un coin de pays correspondant à leurs attentes.

L’organisme Place aux jeunes (PAJ) en région existe particulièrement pour aider ces jeunes adultes à réussir leur transition et leur intégration dans leur milieu de vie.

Dès que Caroline et Olivier en ont eu l’occasion, ils ont sauté à pieds joints dans l’aventure pour  participer, mais aussi pour représenter la région et jouer un rôle de mentor auprès des nouveaux.

« Ça peut paraître banal, mais pour un nouvel arrivant juste de savoir : qu’est-ce qui se passe ici et qu’est-ce qu’on fait la fin de semaine ? Ça change toute la dynamique », illustre Caroline.

Sylvie Dejouy est l’agente Place aux jeunes qui tient fermement les rênes dans la vallée.

Selon elle, le réseautage est la clé de voûte pour rendre sa région plus facile à apprivoiser.

« Dès qu’on accueille quelqu’un ou que la personne est déjà installée, mais qu’elle veut s’intégrer davantage, on l’ajoute à notre banque de courriels et à notre groupe sur les réseaux sociaux. Alors, au moment d’organiser une activité, on invite tout ce beau monde et la réponse est généralement très positive », explique-t-elle.

Une à deux fois par mois, les membres sont conviés à des sorties variées.

« L’activité de réseautage que j’ai le plus appréciée, c’était d’aller visiter une ferme d’alpagas. Maintenant, on en veut aussi dans notre mini-ferme », affirme Caroline.

Cette stratégie comporte un bénéfice majeur selon Sylvie : « On continue d’inviter les gens, même s’ils habitent ici depuis quelques années. Ça permet aux nouveaux de faire des rencontres et d’être orientés par d’autres personnes qui ont emprunté le même cheminement qu’eux, un peu avant. »

En guise d’exemple, une simple discussion avec Olivier pourrait favoriser un nouvel arrivant désireux d’économiser des milliers de dollars. « Puisque la région est considérée comme ressource, il est aussi possible d’avoir des crédits d’impôt additionnels pour les finissants. Dans notre cas, ça nous a aidés à payer la maison. Nous avons reçu 16 000$ sur trois ans », relate-t-il.

En conclusion, Sylvie incite les utilisateurs de Place aux jeunes à bien se renseigner sur les diverses particularités d’un milieu de vie d’adoption : « Les gens doivent être sensibilisés au style de vie. Si tu veux avoir accès à des choix de spectacles, des boîtes de nuit, des restaurants variés et être entouré de plein d’humains tout le temps, tu ne seras pas heureux ici. En revanche, si ton truc c’est la nature, la proximité avec la terre et la forêt; tu vas t’y plaire. »

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