Quand les jeunes en région créent leur propre emploi

“Quand les jeunes en région créent leur propre emploi”
par PIER-LUC OUELLET

Moi-même originaire du Bas-Saint-Laurent, j’ai vu beaucoup de mes amis quitter la région pour aller aux études à l’extérieur, pour ne jamais revenir parce qu’ils ne trouvaient pas d’emploi dans leur domaine.

Ce n’est pas qu’ils n’aimaient pas leur région, bien au contraire; ils profitent de toutes les occasions pour venir passer quelques jours sur le bord de la mer.

Selon eux, ils n’ont simplement pas eu le choix. Quand on doit faire un choix entre travailler ou vivre en région, c’est déchirant.

Mais est-ce vraiment un choix impossible? Et s’il y avait une troisième voie, celle de se créer l’emploi de nos rêves dans le décor qu’on désire?

On a parlé avec David Émond de Delta Statistique (Gaspé), Jean-Philippe Bouchard de la Distillerie du Fjord (Saint-David-de-Falardeau) ainsi qu’avec Hubert Marceau du Laboratoire Phytochemia (Saguenay), trois entrepreneurs qui ont décidé de créer leur propre emploi pour s’assurer une place en région.

“Souvent, l’un des principaux arguments pour revenir en région, c’est vraiment le rythme de vie, l’environnement un peu urbain, mais avec beaucoup de nature autour.”
Hubert Marceau

Mais est-ce compliqué d’implanter une entreprise technologique si spécialisée dans une région éloignée des grands centres? « Ça a été moins complexe qu’on aurait pu s’y attendre. Avec Internet et les médias sociaux, on n’avait pas vraiment besoin d’être proches de nos clients. De toute façon, nos clients n’étaient pas concentrés dans un point chaud. Et peu importe où on s’installait, on avait besoin de développer une clientèle différente. »

Reste le problème de la main-d’œuvre, mais c’est un problème auquel toutes les entreprises doivent faire face. Et Phytochemia s’en sort bien : « Certaines ressources surspécialisées étaient plus difficiles d’accès, mais ça ne s’est pas avéré être un problème si difficile. On est dans une industrie tellement de niche que, de toute façon, nos employés doivent être formés sur place. »

Jean-Philippe Bouchard de la Distillerie du Fjord : Être dans le plaisir

Jean-Philippe Bouchard a toute la jovialité qu’on imagine quand on pense aux gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce n’est donc pas étonnant qu’il ait décidé de se lancer dans la fabrication de spiritueux.

« On fabrique du gin, on est dans le plaisir. On essaie d’avoir du fun à le faire! » Les installations de l’entreprise ont même été bâties à la façon d’un chalet, question que l’idée de plaisir soit imprégné jusque dans les murs de la Distillerie du Fjord.

Mais comment est venue l’idée? Jean-Philippe a toujours su qu’il se lancerait un jour en affaires… restait à trouver l’idée : « Aux premiers balbutiements du projet, j’habitais à Québec, j’avais quitté la région pour un emploi dans le domaine financier. Je suis tombé sur de la verrerie de chimie qui traînait dans le sous-sol chez mon frère, et on a commencé à s’intéresser à l’univers de la distillation du gin. Dès les premiers mots du plan d’affaires, c’était clair et net pour nous que ce projet-là allait prendre naissance au Saguenay-Lac-Saint-Jean. »

L’entrepreneur retourne donc à sa région natale et lance l’entreprise avec son frère Benoît, chimiste, et son père Serge, un ingénieur retraité. Ensemble, ils développent un produit inspiré par leur région. « On trouvait ça intéressant d’amener dans l’univers des spiritueux ce caractère qui est unique, qui est très précis du Saguenay-Lac-Saint-Jean. »

“Les aromates sont cueillis dans l’environnement même de la distillerie. Mes deux grands-pères ont travaillé dans la foresterie, à la scierie Price. Le lien avec la forêt est très, très fort, on a voulu la mettre en valeur, mais de façon différente.”
Jean-Philippe Bouchard

Aujourd’hui, le produit emblématique de la Distillerie du Fjord, c’est le Gin km12, un gin aux aromates boréales typiques du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Et Jean-Philippe peut le savourer dans un décor incomparable.

Santé!

David Émond de Delta Statistique : À un clic du monde entier

Comme beaucoup de jeunes de l’Est-du-Québec, David Émond a décidé d’aller faire ses études postsecondaires à l’Université Laval (à Québec) dans le domaine de la statistique.

Après ses études, il a le désir de retourner dans sa région natale, la Gaspésie. Mais il n’y a qu’un petit problème : c’est un métier qui n’existe pas chez lui. Du moins, pas encore : « Il n’y avait pas d’emploi de statisticien en Gaspésie, mais j’avais vraiment envie de revenir dans ma région. Alors je me suis dit que j’allais créer mon propre emploi! »

Il fonde donc Delta Statistique, une entreprise qui offre son expertise aux chercheurs qui ont besoin de récolter et d’analyser des données.

Contrairement aux autres entrepreneurs avec lesquels j’ai parlé, David n’a pas naturellement la fibre entrepreneuriale : « Si vous m’aviez dit quand j’étais au secondaire que j’allais être entrepreneur, j’aurais dit ‘’bof…’’ Mais je ne le regrette vraiment pas! »

Qu’est-ce qui l’a poussé à tenter sa chance à son compte, alors? « Avant de créer mon entreprise, j’ai travaillé pendant 2 ans comme consultant en statistique pour l’Université Laval. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de demande et il y avait une longue liste d’attente. Donc je savais que je pourrais avoir une bonne clientèle. »

Il devient donc le premier statisticien de la Gaspésie, ce qui s’est avéré moins difficile que prévu : « Ça m’a même un peu aidé. Quand je vais à des rencontres à la Chambre de commerce, par exemple, tout le monde se connaît. Le gars de la Chambre de commerce, tu le croises à l’épicerie.

Ça se fait naturellement. Ce que je fais, ça sort un peu de l’ordinaire, alors les gens me posent beaucoup de questions, et ils se rendent compte ‘’Oh, dans mon entreprise, on aurait peut-être besoin de tes services!’’. »

Il reste que la majorité de la clientèle de Delta Statistique est à l’extérieur de la Gaspésie, mais ce n’est pas du tout un problème :

“Peu importe où je suis, je suis à la même distance de mes clients; je suis à un clic!”
David Émond

Et David a un message pour les autres qui, comme lui, rêvent de revenir à la maison : « Il ne faut pas avoir peur de lancer son entreprise, ou de convaincre son employeur qu’on peut faire la même job à distance. Peut-être qu’on perd l’aspect social de la machine à café, mais en Gaspésie, ce n’est pas difficile de s’intégrer dans le milieu social. Au lieu de socialiser à la job, on socialise avec le reste du monde! »

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