Ma vie en région : Marie-Fauve et Mathieu

La prochaine halte de notre pèlerinage aux quatre coins du Québec nous conduit aux portes d’une maisonnée d’artistes occupée par un trio hors du commun. Marie-Fauve, Mathieu et sa mère, Lucie, ont pignon sur rue dans le bucolique village de Saint-Léonard-de-Portneuf, niché dans la capitale nationale. Bordé par la chaîne de montagnes des Laurentides, jonché de lacs et de rivières, l’endroit avait été surnommé Chapamanchoine par les Hurons, ce qui signifie « d’où on attend l’orignal ».
À l'instar de plusieurs charmants villages que nous avons visités, Saint-Léonard a les allures d’un secret bien gardé. À peine plus de mille personnes composent la communauté pourtant bien vivante de « St-Léo ». Si certains préfèrent la frénésie de la ville de Québec, de plus en plus de gens optent pour la sérénité, les grands espaces et l’air pur de la MRC de Portneuf; c’est le cas de Marie-Fauve.
“Nous avons eu l’idée d’aller vivre en pandémie, les trois ensemble avec belle-maman, pendant un an, explique Marie-Fauve, avant de réaliser notre incrédulité devant ce fait d’armes. ”
Puis, elle éclate de rire, avant d’ajouter : « Oui, mais j’ai la meilleure belle-maman du monde ». Au même moment, un arôme réconfortant envahit nos narines. « Vous aimeriez une bonne soupe maison ? », nous demande Lucie, cachée au fond de la cuisine, corroborant ainsi l’affirmation de sa bru. Aînée d’une sororie de quatre filles, affectionnée de sa belle-mère et éternelle complice de sa propre mère, Linda, Marie-Fauve porte bien son nom : elle a reçu l’amour en héritage. Vous avez bien lu : L’amour en héritage, le fameux roman de Judith Krantz.
« Mes parents voulaient me nommer Fauve (comme la fille du peintre dans le livre), mais le curé a refusé. Il trouvait le prénom Fauve pas assez catholique, alors mes parents ont ajouté Marie devant. Mais, ma mère m’appelle Marie seulement quand elle est fâchée », ironise-t-elle, avant de poursuivre. « Ma mère n’est pas devenue artiste officiellement, mais elle a ça en elle. Elle a construit non pas une, mais de multiples maisons avec mon père. Les deux ont appris à travailler de leurs mains, ils s’inscrivaient à des ateliers de bricolage et concevaient eux-mêmes leurs meubles. Encore aujourd’hui, ce n’est pas rare qu’elle m’aide dans des projets artistiques. »
Nous parlons justement d’art quand l’amoureux de Marie-Fauve nous rejoint dans la maison familiale. Mathieu poursuit le même cheminement que sa douce moitié : vivre de son art. Mais avant d’aller plus loin, Lucie, toujours affairée dans ses chaudrons, nous dévoile un secret familial impliquant son fils. Trop pressé de voir le jour, Mathieu ne laissa pas le temps à sa mère de partir pour l’hôpital. Il naquit à quelques pas de la table de cuisine où se déroule notre entretien. Cette anecdote renforce l’aura bienveillante qui émane des murs de la vieille maison. Mathieu est donc un « p’tit gars » de Saint-Léonard et un fier ambassadeur de son coin de pays. Si plusieurs artistes optent pour les milieux urbains, Mathieu trouve une meilleure adéquation entre son style de vie et son art en campagne.
« Il y a deux philosophies: certains artistes veulent absolument demeurer dans les grands centres afin d’être plus près des opportunités. Mais, pour nous, c’est définitivement un avantage d’être en région. Nous ne pourrions pas avoir notre atelier en ville. Nous ne sommes qu’à une heure de Québec, ça se fait quand même bien, soutient le Léonardois. J’aime travailler en région pour un tas de raisons. Entre autres, les fournisseurs sont vraiment sympathiques, leur approche est personnalisée. J’ai plus de services avec eux. Mon fournisseur local ne me prend pas pour un numéro; il m’envoie la main si l'on se croise dans un rang. Ça convient mieux à ma personnalité », énumère-t-il.
Pour sa part, Marie-Fauve est native de Québec. Elle n’a pas eu à embrasser la vie en région longtemps avant de cimenter son choix. Si bien qu’un an après avoir testé le quotidien à St-Léo, Marie-Fauve et Mathieu se sont portés acquéreurs d’un duplex pour la modique somme de 151 000$. « Pour de jeunes artistes, se procurer une maison à Québec aurait été impossible. Et l'on ne parle même pas de l’atelier », argue-t-elle.
Une fois le bloc acheté, Marie-Fauve a été invitée à participer à un séjour de rétention avec Place aux jeunes. Ce fut une occasion unique pour elle de s'immerger en profondeur son nouveau coin de pays. Alliant rencontres professionnelles, divertissements et trésors de la MRC à découvrir, Marie-Fauve et la cohorte de novembre dernier ont eu droit à une visite clés en main.
“J’étais jaloux parce qu’ils ont visité des endroits que je connaissais de nom, mais sans plus, reconnaît Mathieu, qui rappelons-le, est natif de St-Léo.”
Marie-Fauve et ses comparses ont participé à une dégustation gourmande à la Fromagerie Grondines en plus de localiser les villages de la MRC par rapport aux besoins des nouveaux arrivants. Le constat : tout est relativement proche. Saint-Léonard est à 10 minutes de l'épicerie située dans le village voisin de Saint-Raymond-de-Portneuf. Un peu plus gros, Saint-Raymond est autosuffisant avec un cinéma, une école de secondaire et une chaîne de restauration rapide. Précisons que Saint-Léonard n’est pas dépourvu en service. « Nous avons une petite épicerie et une boucherie juste à côté. C’est très local et on les encourage autant que possible. On y trouve même une école primaire », constate Marie-Fauve. Emballé par leur vie aux racines léonardoises, le couple s’investit de plus en plus dans sa collectivité, comme en témoigne Mathieu qui plaide pour un St-Léo inclusif : Il y a 25 ans, la question : « Tu es un p’tit qui toi ? » revenait souvent.
“Maintenant, un nouvel arrivant qui cherche à s’impliquer dans la communauté va tout de suite être bien accueilli. C’est important de garder notre communauté vivante, insiste celui qui occupe désormais un siège au conseil municipal. ”
Pour sa part, Marie-Fauve participe à une exposition avec d’autres femmes artistes de la région au cours de l’été. Les projets, tous azimuts, ne manquent pas : « D’ici cinq ans, nous avons l'intention d’agrandir la maison familiale avec belle maman. Ensuite, on pourrait louer notre bloc. Aussi, on veut des animaux pour un programme coopératif et on commence même à parler d’avoir des enfants », s’enthousiasme Marie-Fauve.
Quelques mois après notre rencontre, nous avons pris des nouvelles du couple afin de compléter le récit que vous lisez actuellement. Marie-Fauve était heureuse de nous apprendre qu’elle était enceinte. Il reste à savoir si son bébé aura le temps de se rendre à l’hôpital ou s’il sera trop pressé de voir le jour… comme son père.
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